Côte d'Ivoire / Crise du lien républicain : Un courrier, une claque : le Préfet et le citoyen

Une vidéo largement relayée sur les réseaux sociaux depuis quelques jours montre un préfet de la République, en visite officielle dans une localité, s’adressant avec une fermeté inattendue à un habitant venu lui remettre un courrier de manière directe. La scène se déroule sur une place publique, en présence de nombreux citoyens. Le ton du préfet est tranchant, parfois condescendant. Il rappelle avec insistance qu’il est une autorité et qu’il ne veut plus voir ce type de comportement. Le citoyen, silencieux, encaisse la remontrance sans un mot. Le garde du préfet lui remet son courrier comme un objet mal placé, presque fautif. Ce moment suscite de nombreuses interrogations.
Avons-nous encore conscience que l’autorité est avant tout un service rendu au peuple et non un instrument de verticalité écrasante ? Avons-nous oublié que la plupart des citoyens dans nos zones rurales ne maîtrisent ni les codes administratifs ni les circuits bureaucratiques, et que leur seule boussole reste parfois l’occasion qu’offre une visite officielle ? Dans ce contexte, remettre un courrier directement à un représentant de l’État n’est pas nécessairement un acte de défiance ou d’ignorance, mais souvent un dernier recours pour se faire entendre dans un système lent et trop souvent opaque.
Il ne s’agit pas ici de contester l’existence de règles administratives, mais de questionner la posture que l’on adopte lorsqu’un citoyen franchit les lignes du protocole. La vraie autorité ne se mesure pas à la capacité de rabaisser en public, mais à celle de comprendre sans se départir de son rôle. L’humiliation n’est jamais un outil de gouvernance. La pédagogie, elle, est une arme puissante de consolidation du lien social et institutionnel. Chaque occasion d’informer un citoyen est une occasion de bâtir une République plus humaine.
Cette scène met en lumière une crise plus profonde : celle d’une élite administrative parfois déconnectée des réalités du terrain, convaincue que le langage de l’ordre suffit là où il faudrait un langage de proximité. Il y a lieu de rappeler que l’exercice de l’autorité ne devrait jamais éclipser le devoir d’écoute. Les représentants de l’État ont une obligation d’exemplarité dans leur manière de dialoguer avec les citoyens, surtout les plus fragiles. Dans un pays où l’analphabétisme demeure un défi majeur, l’État ne peut pas se permettre de s’exprimer en langage d’exclusion.
Le respect de la hiérarchie ne doit jamais devenir un prétexte à l’humiliation. L’exercice de la fonction administrative doit être empreint de retenue, de maîtrise et d’humilité. Car au-delà du pouvoir, c’est la République qu’on incarne. Et elle ne peut être grande que si elle est juste et accessible à tous.
Delph Bah, Analyste politique & Éveilleur des consciences
Titre pour InfoRelayeur : Côte d’Ivoire / Crise du lien républicain : un courrier, une claque
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