Micro-trottoir du mercredi/ Accord Corsair: classe affaires, soins VIP à Paris pour les officiels et leurs familles; Le peuple s'indigne

L’annonce de la convention signée entre l’État de Côte d’Ivoire et la compagnie aérienne Corsair, qui offre des réductions tarifaires sur les vols et un accès facilité à l’Hôpital américain de Paris aux officiels, à leurs familles et à leurs proches, a provoqué une vive réaction dans l’opinion publique. Tandis que certains dénoncent une injustice flagrante, d'autres y voient la continuité dans une politique d’inégalité. Nous sommes allés à la rencontre de plusieurs citoyens pour recueillir leurs avis.
Traoré Digbeu Serges, pompiste à Yopougon Niangon
« Cette convention signée entre l'État et la Compagnie Corsair est un mépris pour le peuple que nous sommes, et une honte pour nos dirigeants africains. La santé est un droit pour tous. Il ne devrait donc pas y avoir une poignée de personnes favorisées au détriment d'une masse défavorisée. Cela est inacceptable. Les autorités abandonnent les hôpitaux du pays pour ceux de l'étranger, parce qu'elles savent que ces hôpitaux n'ont pas les commodités et les plateaux techniques nécessaires pour des soins de qualité. Oui. Ça serait plus juste de faire une convention qui réduise le coût des vols d'ordre sanitaire pour tout citoyen qui veut se soigner à l'étranger. Car, chacun contribue à son niveau à la création de la richesse nationale. »
Kouassi Kouassi, gérant d’une agence de transfert d’argent
« Ça, c’est une discrimination que l’État ivoirien a à notre égard. Pourquoi signer une convention qui les privilégie et nous laisse, nous les pauvres citoyens ? Nous avons plus besoin de ce genre de convention. Ils devraient le faire pour tout le monde. »
Tanoh Die Kouadio, retraité
« Qu’est-ce qui est étonnant dans cette histoire ? Ils ont toujours fait ça, c’est juste que maintenant ils l’ont rendu officiel, donc ça ne doit pas nous choquer. Ils nous disent que nous sommes un pays développé, mais ils vont se soigner à l’étranger. Pourquoi ne pas le faire ici ? »
Marie-Claire Bamba, 27 ans , étudiante en médecine
« Ce genre de décision montre clairement que les autorités n’ont pas confiance en notre système de santé. Et pourtant, ce sont elles qui sont censées le renforcer. C’est un aveu d’échec, à mon avis. Si on investissait dans nos CHU avec le même sérieux, on n’aurait pas besoin de ce genre d’accord. »
Amadou Sékou, 42 ans, chauffeur de taxi communal
« On est fatigués de voir toujours les mêmes bénéficier de privilèges. On tombe malades ici, et les hôpitaux manquent de tout, même de gants. Eux, ils prennent l’avion et vont se soigner à Paris. Et nous ? »
Lucie Yoboué, 31 ans, commerçante au marché gouro de N'dotre
« Moi je pense que c’est un manque de respect. Si les ministres eux-mêmes ne veulent pas se soigner ici, c’est qu’ils savent que nos hôpitaux ne sont pas bons. Alors qu’ils réparent ça d’abord au lieu de s’en aller. »
Simplice Aka, 48 ans, enseignant de lycée
« Je trouve cela cynique. C’est comme si on disait ouvertement : ‘Nous, on a les moyens, vous non.’ Ce n’est pas ça la République. Une vraie République protège tous ses citoyens, pas juste une élite. »
Karim Diabaté, 29 ans, coiffeur à Abobo
« Même si c’est légal, ce n’est pas juste. Eux, ils ont la réduction pour aller se soigner, et nous on meurt dans des couloirs d’hôpitaux. Pourquoi ne pas créer un programme d’aide pour les évacuations médicales de ceux qui en ont besoin, pas seulement les ministres ? »
El Baro, 27 ans, livreur-coursier
« Cela révèle une vérité qu’on n’ose pas affronter, nos dirigeants ne croient pas en leurs propres institutions. Tant qu’on continuera à avoir deux systèmes de santé, un pour les puissants et un pour les pauvres, on n’ira nulle part. »
À travers ces témoignages, un sentiment d’injustice et de frustration revient de manière récurrente. Si cette convention vise peut-être une efficacité administrative pour les hauts responsables, elle expose surtout l’écart profond entre les besoins de la population et les choix des élites. Une fois de plus, la question de l’égalité d’accès aux soins reste au cœur des préoccupations citoyennes.
De: Saturnin, Audrey, Barry
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