LA PAROLE LIBRE

Radiation, parrainages et avenir politique : lecture d’une interview marquante

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Ce week-end, Tidjane Thiam s’est longuement exprimé face à Alain Foka dans une interview très attendue. Ce n’était pas un simple échange médiatique, mais une véritable prise de parole politique, construite, lucide et offensive. Et ce qui en ressort, c’est un homme à la fois privé de tribune institutionnelle, mais qui refuse d’abandonner la scène politique. Cette intervention, que l’on peut qualifier de stratégique, soulève des interrogations majeures sur l’état actuel du processus électoral en Côte d’Ivoire.

Tidjane Thiam conteste la légalité de sa radiation des listes électorales. Il affirme avoir respecté toutes les conditions requises, notamment en renonçant à sa nationalité française en février 2025, preuve à l’appui. Le concept de "nationalité en sommeil", qui aurait servi de justification à son exclusion, est ici présenté comme une construction floue, voire juridiquement inexistante. Cela jette un sérieux doute sur l’usage du droit dans le traitement des candidatures. Quand une règle qui n’existe pas devient un instrument de disqualification, il devient légitime de se demander si le processus électoral reste encore encadré par la loi ou s’il est piloté à la discrétion du pouvoir en place.

Ce qui est encore plus sensible dans cet entretien, c’est la révélation faite par Thiam à propos d’un engagement supposé du président Alassane Ouattara. Selon lui, en août 2022, ce dernier lui aurait affirmé en personne qu’il ne serait pas candidat à nouveau. En rappelant cette promesse, Thiam ne cherche pas seulement à se victimiser ; il remet en cause la sincérité de la parole présidentielle. Il introduit une rupture de confiance à un niveau très élevé, ce qui pourrait avoir des répercussions non seulement dans les cercles politiques, mais aussi dans l’opinion publique qui observe ces joutes avec inquiétude.

L’interview prend une tournure plus grave lorsqu’il évoque des menaces d’arrestation. Il affirme clairement qu’il ne peut pas revenir au pays sans risquer une interpellation immédiate. Et si cela est vrai, nous ne sommes plus dans un simple désaccord politique, mais dans un climat de coercition qui empêche la libre expression des ambitions et le jeu démocratique. Cela remet en cause la capacité du pays à garantir un environnement électoral ouvert, inclusif et compétitif.

Et pourtant, malgré tout cela, Thiam annonce avoir réuni 132 000 parrainages. Ce chiffre, en soi, est lourd de sens. Il témoigne d’un ancrage réel dans la population, d’une attente d’alternative et de changement. Mais c’est justement là que se pose une question fondamentale : que devient cette énergie politique lorsqu’elle est confinée, lorsqu’elle ne peut s’exprimer dans les urnes ? C’est le paradoxe d’un système qui, d’un côté, exige des preuves de représentativité, et de l’autre, disqualifie ceux qui en disposent.

À ce stade, plusieurs issues sont envisageables. Le recours juridique, d’abord, mais dont l’issue semble incertaine tant les délais sont serrés. Le dialogue politique, ensuite, mais dont la volonté reste absente, surtout dans un contexte où l’on cherche plus à contrôler le jeu qu’à l’ouvrir. Enfin, il y a l’issue sociale : celle de la frustration populaire qui peut se transformer en résistance, ou pire, en rupture.

Ce que Thiam vient de faire, à travers cette interview, c’est de briser le silence, de contester l’ordre établi, et de rappeler qu’un processus électoral ne se mesure pas uniquement à sa capacité d’organisation, mais à sa capacité d’inclusion. Derrière ses propos, se pose une question plus large que sa seule candidature : celle de savoir si la démocratie ivoirienne peut encore accepter la pluralité sans craindre l’alternance.

L’histoire politique récente de la Côte d’Ivoire nous a appris que les exclusions calculées finissent toujours par coûter plus cher que les compétitions franches. Cette interview, si elle est analysée froidement, doit être prise non comme une menace, mais comme un signal d’alerte. Le pays entre dans une zone sensible. Il n’est pas trop tard pour redonner au jeu politique sa vraie nature : celle du choix, du débat, de la contradiction et de la légitimité.

Delph Bah, Analyste politique & Eveilleur des consciences

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