Côte d'Ivoire/ La division en trompe-l'œil : et si Gbagbo, Simone, Blé Goudé et Affi jouaient une même partition ?

Et si ce que l’on présente depuis des années comme une division politique entre Laurent Gbagbo, Simone Ehivet Gbagbo, Charles Blé Goudé et Pascal Affi N’Guessan n’était en réalité qu’un jeu d’apparences ? Une stratégie d’une rare finesse, difficile à saisir pour ceux qui ne regardent que la surface du jeu politique.
Regardons froidement les faits.
Laurent Gbagbo revient d’une longue incarcération et espère naturellement reprendre la direction du Front Populaire Ivoirien (FPI). Pourtant, Pascal Affi N’Guessan refuse de lui céder le parti, préférant maintenir sa mainmise sur cette structure historique. Gbagbo, contraint à cette impasse, opte alors pour la création d’un nouveau parti, le Parti des Peuples Africains Côte d’Ivoire (PPA-CI). Cette première fissure manifeste du paysage politique crée une segmentation apparente, mais la base électorale historique reste partagée, bien que répartie entre ces deux formations.
Parallèlement, la rupture personnelle entre Laurent Gbagbo et Simone Ehivet aboutit à la création du Mouvement des Générations Conscientes (MGC) par Simone. Sa démarche n’est pas une simple revanche privée, mais une stratégie politique ciblée, centrée sur un électorat populaire, religieux, féminin et rural. Elle s’inscrit donc dans un rôle complémentaire, non antagoniste, consolidant ainsi un socle électoral disséminé.
C’est cependant la relation entre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé qui illustre le mieux cette dynamique complexe de fractures et d’alliances voilées. Alors que Blé Goudé est fréquemment présenté comme le « pion » ou l’allié tacite du pouvoir Ouattara une posture qui le place dans une opposition apparente à Gbagbo leur rapport réel est beaucoup plus nuancé. Tous deux s’adressent à des segments électoraux différents, mais complémentaires : Gbagbo mobilise la mémoire militante et l’électorat historique, tandis que Blé Goudé s’adresse surtout à la jeunesse et aux classes moyennes, épris de renouveau et de pacification.
Sur le plan discursif, leur communication est caractérisée par une double stratégie d’« attaques en parabole». Plutôt que de s’affronter frontalement, Gbagbo et Blé Goudé préfèrent se lancer des critiques voilées, presque cryptées. Ces « paraboles politiques » leur permettent de maintenir une distance stratégique, évitant un conflit ouvert qui fragiliserait l’ensemble du spectre politique auquel ils appartiennent. Par exemple, Blé Goudé, dans certaines interventions, emploie des formules sibyllines qui questionnent la direction politique du PPACI sans jamais nommer Gbagbo explicitement. De son côté, Gbagbo répond par des allusions indirectes à des « comportements » ou des « trajectoires » qui ne cadrent pas avec la ligne historique, invitant ainsi ses militants à la vigilance.
Cette posture de guerre froide, subtile et calculée, révèle une conscience aiguë des enjeux. En gardant une retenue dans les échanges, ils évitent de fracturer davantage un électorat déjà divisé, tout en testant les limites de leur influence réciproque. Cette retenue permet aussi d’éviter de se décrédibiliser auprès des bases populaires, qui restent attachées à la mémoire commune et à l’idéal de réconciliation.
Cette forme de « division contrôlée » présente plusieurs avantages stratégiques :
Elle empêche que le pouvoir en place ne profite pleinement des dissensions pour isoler et neutraliser chaque acteur séparément.
Elle offre à chaque camp un espace politique d’action ciblée et personnalisée.
Elle prépare en coulisse un éventuel moment de convergence spectaculaire, une réconciliation qui pourrait bouleverser le paysage politique ivoirien.
Car, au fond, on peut légitimement se demander : si la rupture était véritablement totale et irréconciliable, pourquoi ces échanges restent-ils aussi codés, pourquoi ces attaques sont-elles autant sous contrôle ? Pourquoi aucune des parties ne cherche-t-elle véritablement à « détruire » l’autre publiquement ?
Cette hypothèse d’un « jeu d’apparences » est d’autant plus crédible que l’histoire politique regorge de telles stratégies où la dissimulation, le silence et le timing sont des armes bien plus puissantes que la parole brute.
Imaginez un instant l’effet d’une réconciliation publique et solennelle entre Laurent Gbagbo, Simone Ehivet, Charles Blé Goudé et Pascal Affi N’Guessan. L’annonce d’un front uni, incarnant la souveraineté nationale, la réconciliation et le renouvellement, provoquerait un véritable séisme politique. Et si cela se réalise, ce ne sera jamais par hasard : ce sera l’aboutissement d’une stratégie longuement mûrie, d’une maîtrise parfaite du « quand se taire, et pourquoi ».
Le véritable pouvoir ne réside pas dans le bruit des mots, mais dans la maîtrise de leur silence.
Delph Bah, Analyste politique &Éveilleurs des consciences
Titre de Inforelayeur.
Pour toute information ou suggestion, veuillez nous contacter à l'adresse suivante : inforedaction0758231116@gmail.com
0 Commentaire(s)
Aucun commentaire pour le moment.